Cette année, le 15 avril, à Boston, c’était la cinquième fois que je faisais le marathon. Mon 61e marathon. Pour ceux qui ne connaissent pas, le Marathon de Boston est une épreuve très difficile. Il est un genre de «monstre» de marathon. Ça descend et ça monte tout le temps. Ça détruit les jambes et vide le coureur de toute son énergie. Puis, s’il n’a pas été sage pendant le début de la course, ça le laisse disloqué au fil d’arrivée. Parfois même dix, douze kilomètres avant la fin.

Lundi 15 avril, jour des patriotes aux États-Unis, j’étais là. Dès le premier kilomètre, en ce matin doux, je savais que l’allure était trop vite pour moi. Trop rapide pour la Josée de ce début d’année 2019. Celle qui est un tantinet fatiguée depuis quelques mois.

Mon estimé était que j’allais trop vite d’un bon quinze secondes le kilomètre. Une allure un brin trop vite pour ceux pour qui les secondes ne veulent rien dire. J’étais là avec mes amies Marie-Claude, Micheline et Chantal. Je voulais les accompagner. Je voulais les voir aller vers leur réussite et en faire un peu partie. Je m’étais promis de courir avec elles, d’avoir du fun, d’avancer en quatuor vers l’arrivée. D’avaler les km ensemble, un à la fois. De faire ça en équipe. J’y pensais depuis plusieurs semaines. Je me l’étais promis.

J’ai tenu avec elles jusqu’au 21e kilomètre puis je les ai laissées s’envoler.

Comme j’étais heureuse de les observer dans les trois ou quatre derniers kilomètres quand j’étais à l’arrière du trio et que je m’accrochais encore. Je voyais leurs foulées fortes et dynamiques. Je voyais la tête qui tient seule, sans effort, sur ce corps résilient et endurant. Je voyais les bras et le torse tout en subtile force donner tout, pour que le tout devienne un succès. C’était beau à voir. Vous êtes des championnes les filles que j’avais le goût de leur dire, mais, quelques pieds à l’arrière, un peu épuisée je peinais à les suivre. J’avais le goût de les filmer pour qu’elles puissent voir à quel point la job était magnifique, mais je n’avais pas assez de jus pour sortir mon téléphone et le faire. Je me serais fait larguer dans la seconde à simplement ajouter ce petit effort à l’effort que j’étais déjà en train de faire.

Prenez ma parole les filles, c’était magnifique de vous voir. J’aime, j’adore voir les gens réussir leurs défis. Je suis si privilégiée de pouvoir être témoin de cela. Les coachs de ce monde, les parents de ce monde et les enseignants, c’est bien ça qui vous drive, non? De les voir s’envoler? Prendre leur envol avec grâce. C’est bien ça, non? De voir s’envoler au loin les gens que l’on aime, ceux en qui ont croient. Quel plaisir, quel privilège est ce spectacle pour nous!

Au 21e, elles sont parties. Avec grâce. C’était génial.

J’ai alors pris un rythme qui me convenait mieux, mais déjà les dégâts étaient faits. Boston était pour me faire payer cher ce départ trop rapide pour moi. Je savais bien là que je ne réussirais pas à améliorer mon temps de 2016 qui était 3:53. Je me doutais que je prendrais bien plus que deux heures pour la deuxième moitié du parcours.

Mais bon, c’était ok avec moi. J’ai continué comme tout le monde qui était là. Une foulée à la fois. Ça a été extrêmement dur à partir du 32e km. Il en restait dix petits kilomètres qui m’ont pris 1h15. Yep, ça n’allait pas vite! Je marchais un peu, je trottinais un peu, je marchais encore, je reprenais le trottinage. Ce n’était pas du «Josée» habituel, disons!

Au début de ce marathon, j’aurais pu partir seule à mon rythme et faire une course bien mieux gérée avec un temps final d’un bon quinze minutes de moins, mais j’aurais manqué ces premiers 21 km avec elles. J’ai fait le bon choix. J’ai maintenant un film dans ma tête, un film qui me restera longtemps.

J’ai vu des femmes de plus de cinquante ans qui volent ensemble vers le Marathon de Boston en bas de quatre heures. Exécuté avec brio dans la sagesse de l’effort d’endurance bien géré. Sagesse et force, patience et ténacité, voilà ce qu’elles avaient dans leurs besaces. Et l’amitié, faudrait surtout pas oublier comment l’amitié était là pour les propulser encore plus loin. Elles avaient cette arme magique que nous sous-estimons toujours; l’amitié, le support mutuel, les rendez-vous d’entraînement dans cet hiver de fou, où elles étaient là. Pas d’excuses, elles étaient au rendez-vous. Ensemble.

Ça construit un succès ça, vous savez. Cet hiver, dans le noir, dans le froid, dans la glace, dans la neige, nous étions là avec nos sourires. Fallait être un peu fou, mais à plusieurs la folie ça se vit bien!

Être au rendez-vous, se supporter mutuellement, ça bâtit de belles histoires. J’étais fière d’en faire, un peu, partie.

Je vais me souvenir longtemps de Boston 2019. Je vais en garder un beau souvenir. C’était superbe.

Merci la vie!

Les filles ont fait 3:46:56, 3:52:34 et 3:55:25. Wow! Bravo!

De mon côté, j’ai terminé en 4:13:18

J’ai fait le premier demi en 1:51:01 avec les filles

Le deuxième demi en 2:23:17